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Mimétisme

Définition
Hypothèse
Le mimétisme chez les êtres vivants
Chez les humains : le mimétisme relationnel et mimétisme imaginaire
Liens entre mythe et mimétisme imaginaire
Au delà du désir mimétique, les mimétismes d’attirance et de répulsion
Origine
Evolution
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Définition
Le mimétisme consiste à tenter de reproduire certaines caractéristiques des autres êtres.
Chez les humains le mimétisme a une dimension psychologique qui est le besoin de se référer aux autres par rapport à soi. Son paroxysme la psychose naissante, identification à l’ensemble des humains.
Chacun ne se réfère aux autres qu’en fonction de la vision du monde qu’il a lui-même. Chacun étant différent, il a des références mimétiques qui lui sont personnelles.
Ces références peuvent concerner aussi bien des individus avec lesquels on est en relation réelle (les parents, le voisin, les passants, les amis), que des personnages imaginés (dieux, héros, politiques, personnages de fiction, vedettes, chanteurs).
Ces références peuvent provoquer l’attirance ou la répulsion, l’indifférence étant à ranger dans la répulsion.

Hypothèse
L’imitation est un processus universellement répandu (ondes, atomes, hérédité) et dont on ne connaît pas (encore ?) les causes. Le mimétisme est un cas particulier de l’imitation.
Chez les êtres vivants le mimétisme est un phénomène largement répandu. Il consiste à tenter de reproduire certaines caractéristiques des autres êtres (couleurs, formes, cris, comportement etc.).
Chez les humains, le mimétisme est devenu un besoin de se référer par rapport à l’autre selon deux tendances : l’attirance pour lui ressembler (exemple : beau, sympathique, intelligent, riche, célèbre, saint), la répulsion pour ne pas lui ressembler (exemple : laid, con, miséreux, malade, criminel, pervers, méchant). Le mimétisme d’attirance n’exclut pas le mimétisme de répulsion.

Le mimétisme chez les êtres vivants
Le mimétisme est répandu chez beaucoup d’êtres vivants.
- Entre espèces différentes, le mimétisme est souvent perçu comme un moyen de se défendre, d’attaquer ou de se reproduire. Les zoologues distinguent trois acteurs dans le processus du mimétisme entre espèces différentes: le modèle (celui qu’on imite : la feuille d’un arbre), le mime (celui qui imite : la sauterelle) et la dupe (celui dont le mime veut se protéger : le caméléon mangeur de sauterelle).
Le mystère est de comprendre grâce à quel type de perception de son environnement, un être arrive à ce mimétisme. Exemple : par quel processus une sauterelle imite t’elle la couleur de la feuille ? La sauterelle a suivi un processus qui l’a amenée à tromper un prédateur. Ce n’est évidemment pas un processus psychique. La question reste ouverte. Appeler cela la logique biologique est commode pour l’esprit mais cela n’explique rien.
On parle aussi de mimétisme dans le domaine végétal (Exemple : orchidée).

On peut se demander si on ne peut pas généraliser ce besoin de référence et s’il n’est pas propre à toute structure qui doit communiquer avec son environnement pour avoir une certaine stabilité dans le temps (du quark à la galaxie). Mais on aborde là un sujet qui touche aux confins de la religion, de la science et de la philosophie.

- Entre membres d’une même espèce, le mimétisme se traduit très fréquemment, chez les mammifères en particulier, par l’apprentissage. Il y a donc un processus mimétique (un gène ?) entre chez celui qui apprend et celui qui transmet ses connaissances, processus qui est compris par l’un et par l’autre. Exemple : le lion qui apprend à chasser au lionceau.
Le mimétisme se traduit aussi dans la lutte pour le pouvoir : par exemple les combats pour avoir la prééminence, non seulement pour les mâles (lions, cerfs) mais aussi pour les femelles (combats de vaches) : on peut dire que dans ces combats chacun cherche à reproduire les caractéristiques du dominant selon un cérémonial apparemment inné.


Chez les humains : mimétisme relationnel et mimétisme imaginaire
Chez les humains on peut définir le mimétisme comme le besoin de se référer aux autres par rapport à soi.
Le mimétisme relationnel se réfère à des personnes que l’on rencontre physiquement (connaissances ou inconnus). Le fait même de regarder un inconnu conduit à se positionner par rapport à lui : cela se manifeste par le regard et l’attitude qui précèdent toujours la prise de contact, au cours de laquelle, chacun se fait une idée de l’autre avec ses références propres. Cette idée se transforme au fur et à mesure de la rencontre et évolue réciproquement au fur et à mesure que chacun jauge l’autre.

Cette réciprocité et cette transformation paraissent spécifiques aux relations entre humains car elles sont en grande partie acquises. Les instincts qui gouvernent les animaux quand ils éduquent, se rencontrent ou se battent, semblent davantage des mimétismes innés. Mais chez les humains, au fur et à mesure qu’ils prennent conscience des autres, de l’enfance à l’âge adulte, ces mimétismes évoluent : c’est ce qu’on pourrait appeler le mimétisme acquis. Ainsi le difficile passage de l’adolescence est une transition décisive dans la façon dont on perçoit les autres et les risques de dérapage sont alors plus importants, comme le montre l’âge d’apparition de la schizophrénie ou de certaines psychoses. Chez l’adulte, les amitiés, les relations, la participation à des événements collectifs font évoluer les processus mimétiques de chacun. C’est le cas des amitiés ou des inimitiés entre adultes qui peuvent se créer jusqu’à un âge avancé.
Il arrive que chez certaine personnes ce mimétisme acquis soit être en grande partie absent ou atrophié (enfants loups, autistes, certains schizophrènes) ce qui montre bien que le mimétisme est un mécanisme psychique.

Comme dans tout mimétisme, il peut y avoir dans le mimétisme relationnel une coexistence entre attirance et répulsion : je peux aimer une femme pour sa beauté et la haïr pour son égoïsme.


Le mimétisme imaginaire se réfère à des personnages que l’on ne peut pas rencontrer (les dieux, les héros, les vedettes, les personnages de fiction, les politiques, les gourous).

L’histoire (voir plus loin) du mimétisme imaginaire est celle de ce que les grecs appelaient la mimésis, c’est-à-dire la représentation de la réalité (Platon, Aristote), qui par définition est impossible. La réalité doit être transformée pour être racontée. Toujours rivés à leur découverte de l’Idée et de l’abstraction, les Grecs ont été à l’origine d’innombrables théories et écoles sur la narration et la description : à leur époque l’épopée, le récit, le théâtre et jusqu’à nos jours le roman, le cinéma etc. Ces théories parlent en particulier de la façon de représenter des personnages et leur réalité.

Le mimétisme est déjà un état connu cliniquement par les médecins à son stade paroxystique qu’est la psychose naissante (identification à l’ensemble des humains), mais il ne paraît pas encore être étudié dans son état normal.

Pourtant jusqu’à présent les théoriciens ne semblent pas avoir abordé le mimétisme en tant que mécanisme de l’esprit. Pourquoi cherche t’on à imiter ou à se référer à des personnages comme Vénus, Hercule, Le Christ, Goethe, Rousseau ou Johnnie Halliday ? Et pourquoi à ceux-là plus qu’à d’autres ? Pourtant dans chacun de ces cas le mécanisme initial du mimétisme est bien là, bien que dans des contextes très différents : mythologie, histoire, philosophie, qualité des écrits, vedettariat etc.
Ce mécanisme du mimétisme a été utilisé empiriquement de tout temps par les chefs de guerre ou politiques (les dominants) et commence à être exploré aujourd’hui systématiquement par les faiseurs de vedette (voir Mainstream).

Comme dans tout mimétisme, il peut y avoir dans le mimétisme imaginaire une coexistence entre attirance et répulsion. On peut ne pas souhaiter être criminel et aimer des films montrant des meurtriers, être doux et aimer les films d’horreur, manger à sa faim et ne pas vouloir être miséreux, aimer et haïr quelqu’un etc. Cette coexistence est largement utilisée dans les medias de nos jours. Il est possible qu’elle serve d’exutoire à des états inconscients ou refoulés.


Liens entre mythe et mimétisme imaginaire
Le mythe implique une croyance commune des membres d’une collectivité. Cette croyance implique une perception commune de récits et de personnages. Pour qu’il y ait croyance en ces récits et ces personnages, il faut pouvoir se référer à eux par rapport à soi, donc il faut qu’il y ait mimétisme. Chacun a son propre système de référence, mais la croyance est une sorte de dénominateur commun des mimétismes. Ainsi en matière religieuse, chacun a une foi qui lui est propre, mais il partage une croyance collective.
Certains peuvent se référer à un héros bienfaisant, d’autres à un héros malfaisant.

Au delà du désir mimétique, les mimétismes d’attirance et de répulsion
Dans les travaux du XIX° et XX° siècle Le Bon, Tarde, Durkheim, Girard), le sens donné au mimétisme était proche d’imitation (et non pas de référence).
L’expression « désir mimétique » a une connotation de mimétisme destiné à s’approprier ce qu’a autrui. Elle est la prolongation d’un courant de pensée qui va de Rousseau à Freud. Selon ce courant de pensée, les humains, fondamentalement, s’opposent et se concurrencent entre eux.
Rousseau parce qu’il est le porte parole de certaines réflexions nées en Angleterre, qui se sont développées en France puis ont été un des moteurs de la révolution française : l’organisation de la société est un mal nécessaire pour éviter que les hommes ne se massacrent entre eux. Toute société pervertit les humains et porte en elle un germe de violence. Il faut donc qu’elle soit régie par un contrat social.
Freud parce qu’il a étendu cette pensée à l’individu : l’humain lui-même nait avec des instincts pervers, ce qui amène chaque humain à s’opposer à l’autre. Et seul un refoulement dans l’inconscient lui permet de ne pas libérer ces instincts.
Le désir mimétique se situe dans la tradition de ces deux théories (Rousseau et Freud). Les dieux et les tabous auraient pour but, à travers le bouc émissaire et le sacrifice, de tempérer la violence inhérente à toute société. Chacun s’oppose à chacun dans un désir mimétique de s’approprier ce que possède l’autre selon ses instincts.
Cette vision paraît un reliquat du postulat, émis plus largement par les Anglais tels que Hobbes, Grotius, Locke, Hutcheson, Hume, etc: l’homme est naturellement bon ou naturellement mauvais. Or il semble que le mimétisme va au delà du bien et du mal. Les relations mimétiques entre les humains sont multiples mais sont toutes issues de la manière dont on se réfère à l’autre, soit par attirance soit par répulsion, et sont intimement mêlées. Ainsi on peut être attiré par une même personne pour son intelligence et éprouver de la répulsion pour sa laideur physique.

Les mimétismes d’attirance sont ce qui amène un individu à souhaiter ressembler à l’autre globalement ou sur certains points. On peut prendre comme exemples parmi d’autres les caractéristiques suivantes qui peuvent concerner aussi bien le relationnel que l’imaginaire:
- physiques (exemple : jouer du tennis comme son frère ou comme Nadal),
- artistiques (exemple : jouer d’un instrument comme son père ou comme Chopin),
- intellectuelles (exemple : savoir exprimer des idées comme un cousin ou comme Rousseau),
- sentimentales (exemple : amour pour une amie ou pour Madona),
- spirituelle (exemple : vénération pour un ancêtre ou pour Bouddha),
- compassionnelles (exemple : aider le mendiant en bas de chez soi ou les pauvres en général),
- matérielles (exemple : être aussi riche que son collègue ou que Bill Gates). Le désir mimétique concerne cette dernière catégorie de mimétismes dont il n’est donc qu’un cas particulier.

Le mimétisme de répulsion est ce qui amène un humain à vouloir ne pas ressembler à un autre, par exemple à quelqu’un qu’il considère comme laid ou handicapé, ignorant, con, haineux, méprisant, criminel, pervers, intolérant, miséreux. (On peut reprendre les mêmes exemples).

Les mimétismes d’attirance et de répulsion, qu’il soit relationnel ou imaginaire peuvent coexister dans notre repérage d’une même personne ou d’un même héros : on peut être attiré par quelqu’un pour sa beauté, mais éprouver de la répulsion pour son égoïsme, on peut être attiré par la bravoure d’un héros mais éprouver de la répulsion pour sa cruauté.


Origine
Le mimétisme est un phénomène universel qui présente chez les humains des caractéristiques tout à fait particulières : c’est, on l’a vu, un système permanent de repérage réciproque et évolutif par rapport aux autres.

Le mimétisme relationnel lié au contact physique pourrait trouver son origine chez les humains dans une volonté de se situer les uns par rapport aux autres pour se regrouper autrement que par des rapports de force ou la volonté de survie immédiate, tout en dégageant les différences et les spécificités de chacun : c’est le fondement de la vie collective. On en trouve des germes dans les sociétés animales et en particulier chez les éléphants. Tout cela n’est qu’une hypothèse sans preuve.

Le mimétisme imaginaire a une histoire plus facile à suivre : c’est celui qui se réfère à des personnages qu’on ne peut rencontrer soit par qu’ils sont morts, soit parce qu’ils sont des personnages publics inaccessibles, soit parce qu’ils sont des créations de l’esprit (dieux, sages, héros). L’histoire de ce mimétisme est liée des personnages conçus successivement à travers l’épopée (Homère), puis le théâtre, puis le roman et enfin les formes plus récentes de divertissement comme le cinéma, la fiction télévisée, l’opéra classique et rock, les bandes dessinées, les jeux vidéo. Le schéma est toujours le même : l’auteur crée un personnage (le modèle des zoologues), l’acteur suscite le mimétisme (le mime des zoologues) et le spectateur croit dans le personnage (la dupe des zoologues).

Evolution
Le mimétisme des personnages imaginés et leurs aventures évoluent vers une interprétation possible de plus en plus étroite.
La lecture ou l’écoute de l’histoire d’un personnage religieux, de celui d’une épopée ou d’un roman pouvaient donner lieu à des interprétations et donc à des formes de mimétisme très diverses : chaque lecteur ou chaque auditeur avait sa vision des personnages et se créait des références par rapport à tel ou tel de ses caractéristiques.
Au théâtre, l’acteur et le metteur en scène restreignent l’interprétation du personnage en lui donnant une dimension personnelle : la variété des interprétations passe par autant d’acteurs différents (Molière joué au XVIII° siècle ou maintenant). Le spectateur voit et entend le personnage à travers l’acteur. Il y a alors deux mimétismes étroitement imbriqués: l’un concerne le mimétisme vers le personnage et l’autre vers l’acteur.
Le cinéma et la fiction resserrent encore les possibilités d’interprétation des personnages: les situations et les acteurs sont figés une fois pour toutes. De plus les quantités de personnages produites actuellement par l'sont telles que le mimétisme est éphémère. Le pouvoir mimétique de Jean Gabin était plus durable que celui des acteurs des films actuels qui sont beaucoup plus nombreux, sont mémorisées moins longtemps.
Les dessins animés, les bandes dessinées, les jeux et les clips vidéo ont amené un nouveau stade : ce n’est plus le personnage qui fait l’objet de mimétisme, ce sont des sentiments, des sensations et des situations schématisés. Les personnages n’ont plus qu’un nombre de caractéristiques restreint : bon, gentil, lâche, méchant, courageux, peureux, égoïste.

Ainsi les références mimétiques sont de moins en moins conceptuelles et de plus en plus liées aux sensations individuelles schématisées et immédiates.
Chacun se réfère à des sensations schématiques, ce qui paradoxalement engendre à la fois l’individualisme et le sentiment d’appartenance collective. Ces schémas des pensées peu différenciés pourront devenir collectifs et donc des mythes. Cela pose un problème : un mythe a des contours flous et imprécis qui permettent de rassembler des formes de personnalités différentes. Les schémas de pensée transmis actuellement par les divertissements (« entertainement » en anglais) peuvent-ils remplir ce rôle ?


















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